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Comme cela était anticipé ces derniers temps, un nouveau décret est sorti le 22 Mars 2017 pour modifier l’arrêté du 3 Mai 2007 sur la RT Existant dite « par éléments ». Ce décret entrera en vigueur le 1er janvier 2018 et s’appliquera à toutes les « petites » rénovations, mais ne devrait quasiment rien changer concrètement aux opérations de rénovation en France (malheureusement)

La RT Existant, cette inconnue

Tout le monde (ou presque) connait la RT2012 sur les bâtiments neufs, qui a bénéficié d’une grande campagne de communication du gouvernement, et c’est quasiment la seule réglementation thermique très bien connue du grand public. Pourtant, c’est loin d’être la première réglementation thermique : elle n’est qu’une évolution de ses prédécesseures (les RT2005, RT2000, RT1988, RT1982 et RT1974) et une étapes avant la RT 2020 (ou RBR 2020)

En revanche, très peu de personnes, y compris même dans le monde du bâtiment, ne connaissent la RT Existant. Il s’agit de la première réglementation thermique encadrant la rénovation des bâtiments, en application depuis 2008. Elle concerne au premier chef les industriels qui proposent des solutions techniques (généralement bien informés sur cette réglementation) et les artisans qui mettent en œuvre ces solutions (et eux n’ont presque jamais entendu parler de cette réglementation)

Le bâtiment étant le premier consommateur d’énergie en France, la rénovation est pourtant un secteur crucial de la transition énergétique : c’est là que les gisements d’économie d’énergie sont les plus importants, les plus faciles à mettre en œuvre et les plus rentables.

Consommation énergie France

La RT Existant se décline en deux versions : la RT Existant « par éléments » et la RT Existant « globale ». La RT globale ne concerne que les grosses rénovations pour les grands bâtiments. Je n’en parlerai pas dans cette article car ce n’est pas là qu’est l’enjeu de la rénovation énergétique.
La RT par éléments impose un certain nombre d’exigences lorsque l’on intervient sur un élément, dont :

  • Minimum de performance d’isolation
  • Minimum de performance de baies vitrées
  • Qualité d’air intérieur : obligation d’arrivée d’air dans les pièces de vie, interdiction de dégrader la qualité d’air
  • Confort d’été : interdiction de supprimer des protections solaires, obligation de protections solaires extérieures sur les fenêtre de toit
  • Obligation de régulation sur le chauffage, rendement minimum, etc …

Les minimums de performance sont très bas, bien inférieurs au minimum demandés par le crédit d’impôt :

Minimum performance RT Existant

Les modifications du décret

Ces performances étaient unanimement considérées comme trop faibles. En rénovation, une grande partie des coûts vient de la mise en œuvre et des travaux annexes : le coût de l’isolant en lui même est très marginal. Il est donc absurde de rénover un bâtiment en posant une épaisseur d’isolant trop faible, ce qui imposera d’y revenir plus tard. La mise à jour de ces performances minimales était donc particulièrement attendue, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a fortement déçu.

Le décret modifie ces valeurs pour 2018 et prévoit une autre évolution en 2023, elle aussi malheureusement très insuffisante :

RT Ex 2007RT Ex 2018RT Ex 2023R mini Crédit d'Impot
Murs extérieursR=2,3 m²K/WR=2,2-2,9 m²K/WR=2,2-3,2 m²K/WR=3,7 m²K/W
Murs sur LNCR=2,0 m²K/WR=2,0 m²K/WR=2,5 m²K/WR=3,7 m²K/W
Toit terrasseR=2,5 m²K/WR=3,3 m²K/WR=4,0-4,5 m²K/WR=4,5 m²K/W
Combles perdusR=4,5 m²K/WR=4,8 m²K/WR=5,2 m²K/WR=7,0 m²K/W
RampantsR=4,0 m²K/WR=4,0-4,4 m²K/WR=4,0-5,2 m²K/WR=6,0 m²K/W
Planchers bas extérieursR=2,0 m²K/WR=2,1-2,7 m²K/WR=2,1-3,0 m²K/WR=3,7 m²K/W
MenuiseriesUw=2,3-2,6 W/m²KUw=1,9 W/m²K-Uw=1,3 W/m²K

Certaines performances minimum n’évoluent presque pas (murs, rampants, combles) et restent à des niveaux qui n’ont aucun sens, non seulement d’un point de vue énergétique, mais même d’un point de vue économique. Aujourd’hui, rénover des combles perdus et poser 18 cm de ouate de cellulose pour un R de 4,5 est un non sens économique et énergétique, alors que poser 36 cm pour un R de 9 ne coutera que quelques euros par m² en plus.

Le décret introduit tout de même une bonne idée qui est l’idée d’évolution des performances dans le temps. Donner un cadre prévisible aux acteurs du bâtiment permet à ceux ci d’anticiper et de se préparer. Malheureusement, là encore le décret rate complètement son objectif en fixant une progression beaucoup trop lente. Pour rester sur l’exemple des combles perdus, un R mini de 5,2 en 2023 sera tout aussi ridicule. A ce rythme de progression, on atteindra un R de 9 (ce qui est un bon optimum technico-économique) en 2070 !!! La transition énergétique ne peut pas attendre : elle doit se faire maintenant, et elle doit se faire bien dès le premier essai. Nous n’aurons pas l’occasion de la refaire une deuxième fois si la première est mal faite.

Que faire ? L’optimum énergétique

Heureusement, la plupart des travaux de rénovation ne se basent pas sur les minimum de la RT Existant, mais sur ceux du Crédit d’impôt qui sont eux beaucoup plus pertinents. Ce nouveau décret est donc « seulement » une occasion manquée (une de plus …) dans le processus de la transition énergétique.

Néanmoins, il reste que s’interroger sur la performance de l’isolation à poser est pertinent, et qu’il n’y a pas de réponse absolue à cette question. La rénovation énergétique est à la confluence de plusieurs logiques : logique économique, logique énergétique, faisabilité technique, etc …

L’approche économique est très souvent dominante, comme dans tant d’autres activités de nos sociétés. Les critères du crédit d’impôt sont relativement cohérents avec la logique économique. Cependant, il faut garder à l’esprit que les paramètres économiques actuels (en particulier la disponibilité et le prix de l’énergie) sont très volatils et vont vraisemblablement évoluer fortement dans les années à venir. Lorsque l’on intervient sur un poste de déperditions (mur, toit …), il faut donc s’assurer qu’il ne sera pas nécessaire d’y revenir pour au moins 50 ans à venir.

La logique énergétique est également intéressante car elle permet de s’affranchir des fluctuations du prix et des distorsions économiques. Cette approche permet également d’avoir une vue plus globale et plus objective que l’approche purement financière. D’un point de vue énergétique, il existe un optimum dans la performance d’une paroi car il arrive un moment où rajouter de l’isolant supplémentaire fera économiser moins d’énergie que ce qu’il aura fallu pour fabriquer cet isolant , c’est ce qu’on appelle le « plafond énergétique » ou « optimum énergétique ». Les éléments suivants sont issus d’une présentation réalisée par Samuel Courgey, merci beaucoup à lui pour son travail.

Ce plafond énergétique dépend très fortement de la nature de l’isolant posé, car ils ne nécessitent pas la même quantité d’énergie pour être fabriqué. C’est ce qu’on appelle l’énergie grise :

La consommation d’énergie totale (en jaune) comprend donc l’énergie grise (en rose), proportionnelle à l’épaisseur d’isolant, et l’énergie de chauffage (en bleue), inversement proportionnelle à l’épaisseur d’isolant. L’optimum énergétique se situe au minimum de la courbe jaune :

Cet optimum dépend de nombreux paramètres : évidemment, la nature de l’isolant, mais également le climat (un isolant fera économiser plus d’énergie à Nancy qu’à Nice), la durée de vie du bâtiment, son taux d’utilisation, etc …

Samuel Courgey a fait un travail de recherche d’optimum énergétique intéressant pour un logement d’habitation avec une durée de vie estimée à 100 ans :

Ces résultats montrent notamment qu’il faut se méfier de la surisolation dans certains cas de figure (isolants à forte énergie grise comme le polyuréthane ou la laine de roche HD pour un climat méditerranéen), mais qu’en dehors de ces cas de figure, la logique énergétique voudrait que l’on pousse la performance isolante plus loin que ce que demande le Crédit d’impôt, et beaucoup, beaucoup plus loin que ce qui est exigé par la RT Existant.

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